
Derrière chacun de nos livres se cache un(e) auteur(e) passionné(e) et sa rencontre avec un pays, une culture et un quotidien. Aujourd’hui, nous vous proposons d’en apprendre un peu plus sur Vaikehu Shan, auteure de Quelque chose de Polynésie française.
Quelque chose de toi : qui es-tu ? Comment te définis-tu ?
‘Ia ora na ! Je suis Vaikehu, une Polynésienne demi-Chinoise comme on dit en Polynésie française, et j’aime dire que je baigne dans trois cultures : polynésienne, chinoise et française. Je suis née et ai vécu toute mon enfance et adolescence à Tahiti, puis j’ai construit le début de ma vie d’adulte dans l’Hexagone, avant de revenir en Polynésie il y a peu. À la fois très attachée à mes racines et à ma culture polynésienne, je peux toutefois surprendre sur certains points. J’ai par exemple une forte attraction pour la montagne, la neige, les grandes villes, les longs voyages en train, la bière et le fromage, et je joue du piano et non du ukulele.
Quelque chose de ton livre : pourquoi avoir voulu écrire et ce que tu as tiré de cette expérience ?
La passion de l’écriture remonte à mon enfance, et j’écris depuis 2016 sur mon blog voyage Vai en vadrouille à propos de la Polynésie française entre autres. J’ai lancé ce blog quelques années après être arrivée en France hexagonale, marquée par la méconnaissance des territoires d’Outre-mer de la part des Français de l’Hexagone. Je souhaitais donc faire connaître davantage la Polynésie grâce à mes récits et mes photos aux potentielles personnes intéressées ! Quelque chose de Polynésie française s’inscrit dans la même veine, avec cette volonté de faire rayonner la Polynésie française au-delà de ses frontières et surtout, au-delà des clichés. Le format est différent, le processus de travail et les contraintes également. Un projet d’édition est une expérience extrêmement challengeante et enrichissante. Je suis reconnaissante d’avoir croisé la route des éditions Nanika pour cela et pour me permettre de faire davantage connaître mon pays !
Quelque chose de Polynésie française : si tu devais définir ton pays en quelques phrases, quelles seraient-elles ?
Pour moi la Polynésie française, c’est avant tout une population accueillante et fière de sa culture. Ici, le mot « culture », qui désigne davantage la culture traditionnelle, est utilisé tous les jours, que ce soit par les gens ou les médias. D’ailleurs, elle est entièrement liée à la nature. De l’observation de cycles naturels pour définir le calendrier culturel, à l’utilisation de végétaux dans l’artisanat traditionnel, en passant par la tradition du pū fenua qui permet de relier les humains à leur terre d’origine, les exemples sont nombreux !
En parlant de nature, insistons sur le patrimoine naturel. On a la chance d’avoir des lagons qui font rêver, mais en réalité, nos îles proposent tout un panel de paysages très variés. Des montagnes dignes de Jurassic Park, des falaises de basalte éprouvées par l’océan Pacifique ou creusées par les rivières, des paysages marquisiens secs comparables à l’Ecosse pendant un hiver sans neige… Je suis sûre que vous seriez très surpris !
Quelque chose que tu as appris/découvert en travaillant sur le livre ?
J’ai redécouvert l’histoire de la Polynésie française depuis l’annexion par la France et jusqu’à la fin des essais nucléaires. On étudie tout cela à l’école, mais j’ai une autre lecture et un intérêt bien plus marqué aujourd’hui.
Un événement personnel a également impacté ce projet : je suis rentrée m’installer à Tahiti en septembre 2020. Cela m’a permis d’enfin me « connecter » à la langue tahitienne. Étrangement, c’est une des choses qui m’a le plus manqué lorsque je vivais dans l’Hexagone alors que je ne parlais pas tahitien. D’ailleurs, il y a beaucoup de choses et de concepts que je comprends mieux maintenant que je m’intéresse aux langues polynésiennes ! Revenir à Tahiti m’a également facilité l’accès à certains ouvrages, indispensables pour mes recherches. De manière générale, j’ai appris énormément de choses depuis que je suis rentrée auprès des miens, et cela a eu une conséquence indéniablement positive sur ce projet d’édition. J’ai apporté pas mal de modifications aux textes depuis ce retour, et ma réflexion a évolué sur certains sujets, par exemple l’utilisation ou non du terme « métropole ». D’ailleurs, depuis la publication du livre, je trouve encore de nouveaux sujets à aborder, et des points à préciser. Comme quoi, un tel projet n’est jamais réellement terminé, au contraire il évolue avec son ou ses auteurs !
Quelque chose qui te tenait à cœur et que tu souhaites absolument faire passer dans ton livre ?
J’essaie à ma façon de faire comprendre deux choses à travers ce livre. Tout d’abord, comme vous l’aurez compris, la culture n’est pas qu’un concept en Polynésie française. Elle rythme le quotidien, façonne les croyances, et fédère les Polynésiens autour du monde.
L’autre chose à bien garder en tête est que malgré son isolement géographique, la Polynésie française fait bel et bien partie d’un monde globalement hyperconnecté. Même si les Polynésiens restent attachés à leurs traditions, la Polynésie française est un territoire qui vit avec son temps et dont les goûts et les besoins évoluent, en particulier depuis qu’elle connaît la société de consommation. Je sais qu’à l’instar de Gauguin, les voyageurs sont parfois déçus de constater que certaines îles, par exemple Tahiti, ne sont pas aussi sauvages qu’ils l’imaginent. J’aimerais qu’on arrête de dénigrer les îles plus « modernes » (avec de gros guillemets), car même si elles ont moins d’attrait pour les personnes de passage, elles rassemblent aujourd’hui des services nécessaires aux populations. Certes, il y a des excès en termes de consommation, mais de plus en plus de personnes sensibilisent les autres à cela et c’est ce qu’il faut encourager. Ce n’est pas la peine de nous faire correspondre à un idéal, car croyez-moi, même si on vit dans une sorte de paradis, on reste des humbles mortels ! 😉
Quelque chose que tu aimerais dire à un futur voyageur qui souhaite venir en Polynésie française ?
Sois curieux, ouvert et bavard, tends l’oreille, et surtout, sois humble et n’arrive pas en territoire conquis. En Polynésie, les gens sont souvent peu loquaces, mais ils s’ouvrent plus facilement face à des voyageurs simples et ouverts d’esprit 🙂
